ALGÉRIE • Torture systématique dans les prisons
Le quotidien El Watan dénonce un univers carcéral où l'intégrité physique et morale de la personne est confrontée au pire.
J'ai fait des efforts pour ne pas devenir un monstre en prison. Il est vrai que le milieu carcéral n'est pas le paradis. Mais chez nous, c'est pire que l'enfer", témoigne ce jeune ex-détenu de la prison de Tizi Ouzou [Kabylie]. Un prisonnier du pénitencier d'El Harrach [Alger] raconte à El Watan : "Trop de choses se passent à l'intérieur : des viols, des agressions, des bagarres et, surtout, la brutalité des gardiens, qui n'hésitent pas à tabasser des prisonniers lorsqu'ils tentent de faire appel aux services pénitentiaires." Toute une littérature dénonce les conditions d'incarcération en Algérie, de la garde à vue à l'emprisonnement, en passant par la détention provisoire. Avril et mai 2002, c'est le "printemps noir" des prisons. Un mouvement de colère se déclenche à l'intérieur de plusieurs prisons du pays et se solde par un bilan lourd. Ces mutineries ont attiré l'attention sur les conditions insoutenables de détention.
La Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH) a déclaré à l'époque que ces soulèvements étaient le résultat de "dysfonctionnements" et "d'une pratique abusive de la détention provisoire et d'un recours excessif à sa prolongation, engendrant une augmentation sensible du nombre de détenus". "Si la culpabilité des responsables pénitentiaires est établie, il faut qu'ils soient sévèrement sanctionnés", a déclaré, au journal en ligne Algeria Interface, le président de cette commission, l'avocat Farouk Ksentini. Aucun responsable de prison n'a été inquiété à ce jour.
Dans les commissariats et les brigades [de gendarmerie], véritables antichambres de l'enfer carcéral, les mauvais traitements oscillent entre bavure et torture systématique, selon des militants des droits de l'homme. Dans son rapport "La torture en Algérie", Me Mahmoud Khelili énumère les pratiques : bastonnade, flagellation, technique du "chiffon", suspension au plafond, électricité, brûlures, tenailles, mutilations sexuelles, etc.
L'avocat cite une douzaine de commissariats d'Alger et de sa périphérie comme étant des lieux spéciaux de torture. Ces affirmations n'ont pas fait réagir les autorités. Avec les événements de Kabylie, les brigades de gendarmerie de cette région ont été dénoncées par les activistes politiques et sociaux comme des lieux de torture. Entre prisons, commissariats et brigades, l'intégrité physique et morale de la personne humaine est confrontée au pire.
El Watan