Sarkozy... Escapade maghrébine
Dès son premier voyage présidentiel au sud de la Méditerranée, Nicolas Sarkozy s'est heurté aux obstacles maghrébins. Les Marocains lui ont fait comprendre qu'ils n'entendaient pas être traités à la sauvette et visités en quelques heures, comme leurs voisins et rivaux algériens. Le chef de l'Etat voulait pourtant donner le coup d'envoi d'une nouvelle politique méditerranéenne qui se distingue, au moins implicitement, de l'action de son prédécesseur. Il n'y est parvenu qu'en partie.
En Algérie, il a tiré un trait définitif sur le traité d'amitié cher à Jacques Chirac. Le texte, calqué sur le traité d'amitié et de coopération de 1963 entre la France et l'Allemagne, était prêt depuis des mois. Sa conclusion a buté sur l'exigence d'Alger d'une "repentance" française pour les crimes commis pendant la guerre d'Algérie. La preuve de l'amitié, ce ne sont pas les excuses, mais les projets d'avenir, a dit en substance M. Sarkozy au président Bouteflika. Et l'avenir, c'est l'"Union méditerranéenne", dont les Algériens attendent avec intérêt de connaître la substance.
Même écoute "enthousiaste" à Tunis, de la part du président Ben Ali. Là, M. Sarkozy a mis ses pas dans ceux de son prédécesseur en restant très discret sur les violations des droits de l'homme dans un pays qu'il voit cheminer vers la démocratie. La Tunisie est avant tout considérée comme une alliée dans la lutte contre le terrorisme. Paris et Tunis vont renforcer la coopération de leurs services de sécurité, et, en ce qui concerne les "services", M. Ben Ali est imbattable.
Pour sa première sortie internationale, la secrétaire d'Etat aux droits de l'homme, Rama Yade, a gardé un profil bas. Elle était visiblement mal préparée à un voyage inopiné, mais elle a promis de se rattraper en recevant la présidente tunisienne de la Fédération internationale des droits de l'homme... à Paris.
Cette brève escapade maghrébine illustre la difficulté de mener cette "diplomatie des droits de l'homme" dont Nicolas Sarkozy semble partager l'ambition avec son ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner. A plusieurs reprises pendant la campagne et depuis son élection, le président de la République a mis en avant le respect des droits de l'homme comme l'un des critères de la politique internationale. Il avait même exprimé ses réticences à serrer la main des dirigeants étrangers qui n'en font pas grand cas.
Mais la diplomatie a ses exigences. De l'autre côté de la Méditerranée, les partenaires potentiels de la France ne sont pas tous, loin de là, des parangons de vertu démocratique. Et c'est avec eux qu'il faut traiter pour faire progresser cette communauté méditerranéenne que la France appelle aujourd'hui de ses voeux. Dans l'espoir très téméraire qu'elle produira aussi des changements politiques.
Le Monde