La pilule du lendemain arrive au maroc
Les Islamistes crient au scandale
Par Loubna Bernichi
300.000 avortements sont enregistrés chaque année au Maroc dans des conditions clandestines et peu sanitaires. Le RU 486, ou pilule du lendemain, commercialisée en juin 2008, peut épargner beaucoup de souffrances et de risques.
Yasmina Baddou est dans le collimateur des islamistes. La ministre de la Santé a, en effet, autorisé, la commercialisation de la contraception post-coïtale ou ce qu’on appelle aussi la “pilule du lendemain” ou encore le contraceptif d’urgence. Une autorisation que Sothema, laboratoire importateur de ce produit pharmaceutique, attend depuis 1999. Jamais encore un ministre de la Santé n’a osé s’attaquer à un sujet aussi sensible. Yasmina Baddou l’a fait et elle en paye les frais. Le vendredi 2 mai 2008, des imams de mosquées ont condamné, dans leurs prêches, la décision de la ministre de la Santé, jugée contre la religion islamique. Certains mêmes vont jusqu’à la considérer comme une ennemie de l’islam.
Si la pilule du lendemain a mauvaise presse, c’est plus pour son caractère abortif. Sous d’autres cieux, elle suscite aussi une levée de boucliers des religieux. En novembre 2007, le pape Benoît XVI a lancé un appel aux pharmaciens italiens, leur demandant de refuser de distribuer des médicaments tels que la pilule du lendemain. Devant les délégués du 25ème congrès de la Fédération des pharmaciens catholiques, le pape a estimé que le droit à l’objection de conscience devait être reconnu aux pharmaciens pour les médicaments contraceptifs, abortifs ou euthanasiants.
Des propos très controversés en Italie. La ministre de la Santé, Livia Turco, a estimé que le souverain pontife n’avait pas à dicter à une profession ce qu’elle devait faire. Quant à la réaction de Yasmina Baddou face aux islamistes, elle est plutôt modérée. La ministre de la Santé s’est contentée, dans une déclaration à une radio nationale, d’être explicative. «La pilule du lendemain est un moyen contraceptif, non une pilule abortive et parmi les médicaments qui devaient être autorisés au Maroc, cette pilule était attendue.» Selon elle, c’est une avancée et non une dérive.
Même son de cloche chez les professionnels de la santé. Ils insistent plus sur le fait que la pilule du lendemain est un moyen de contraception d’urgence. Selon les spécialistes, il agit en s’opposant à l’implantation dans la muqueuse utérine d’un oeuf fécondé mais ne peut en aucun cas annuler une grossesse déjà déclarée. Cette pilule est prise dans les 72 heures suivant un rapport sexuel non protégé dont on soupçonne qu’il en résulte une grossesse non désirée. Ses effets secondaires sont dans la plupart du temps bénins : des vomissements, des nausées et des saignements. Dans certains cas, des troubles du cycle menstruel peuvent subvenir. Pour prouver qu’elle est sans gravité sur la fécondation, l’agence américaine, Food and Drug Administration, a autorisé, en 2006, la vente sans ordonnance de cette pilule pour les femmes majeures.
Solution
En France, la loi impose aux pharmaciens et aux infirmiers scolaires sa délivrance gratuite aux mineures sans vérification de leur identité. Une décision prise suite à l’augmentation de nombre d’interruptions volontaires de grossesse (IVG) chez les mineures. Cependant, tous les spécialistes s’accordent à dire que cette méthode ne doit pas être considérée comme une solution quotidienne de contrôle des naissances et son utilisation doit être exceptionnelle pour éviter une grossesse non désirée. Ceci dit, des études ont démontré qu’elle n’est réellement efficace que si elle est prise douze heures après le rapport à risque. Il semblerait que son efficience tombe à près de 80% si elle est prise dans les quarante-huit heures et à moins de 60% entre deux et trois jours. Au Maroc, la pilule du lendemain, disponible sur le marché à partir du mois de juin 2008, sera en vente sur ordonnance.
Mais, des craintes subsistent quant au respect de cette consigne. Son prix n’a pas encore été fixé. Des négociations sont en cours entre Sothema et le ministère de la Santé. Ce dernier ne voudrait pas voir le prix de la pilule du lendemain dépasser 92 dirhams alors que ce laboratoire pharmaceutique la propose à 94 dirhams. Un compromis ne tardera pas à voir le jour. Pour faire connaître davantage ce contraceptif auprès des femmes marocaines, Sothema compte organiser une campagne de promotion à l’échelle nationale en collaboration avec l’Association marocaine du Planning familial. Et, peut-être que cette campagne d’information tordra le cou aux préjugés qui entourent cette pilule d’urgence. Beaucoup pensent, en effet, que sa commercialisation encouragera les rapports sexuels hors mariage, punis par la loi et prohibés par la religion.
Grossesse
Qu’on se le dise! Les jeunes n’ont pas attendu son introduction sur le marché pour jouir de leur liberté sexuelle ou pour interrompre une grossesse non désirée. Un tour sur les forums de discussion pour le constater.
Des jeunes filles en détresse échangent des recettes pour se débarrasser d’un foetus non désiré. C’est ainsi qu’on saura que Maria, 25 ans, célibataire, remplace la pilule du lendemain par une pilule contraceptive classique, fortement dosée pour le même effet.
Et, que Sabah, 22 ans, étudiante, s’est procuré le mifépristone, mifégyne ou RU 486, un anti-progestatif puissant, pas commercialisé au Maroc non plus, en France où cette pilule est en vente libre au prix de 10 euros. Le RU 486 peut être utilisé dès les premières semaines et jusqu’à la 9ème semaine de grossesse. Il arrête l’évolution de l’embryon. La dernière trouvaille est le misoprosotol. Cette molécule utilisée initialement dans la fabrication de médicaments contre les ulcères d’estomac ou les arthrites, détrône le classique RU 486, puisqu’elle est peu coûteuse et facile d’utilisation. Sans parler des méthodes chirurgicales. Ce qui conduit forcement à l’évocation les avortements clandestins pratiqués, la plupart du temps, dans des conditions inhumaines par un personnel non qualifié. Selon l’Association marocaine du Planning familial, 300.000 avortements enregistrés chaque année au Maroc à cause d’un oubli de pilule classique et, bien souvent, de viols. Si la pilule du lendemain pourra aider à baisser ce chiffre, pourquoi pas?
http://www.maroc-hebdo.press.ma/MHinternet/archives_792/html_792/lesislam.html[url]