Est-ce qu’un enfant peut déprimer ?
Votre enfant est triste, ne sourit plus, reste en retrait. Il n’a plus de goût de vivre. Est-il en train de faire une déprime ?
L’avis d’un psychiatre
Pierre Ferrari, psychiatre, est l’auteur de Comment vivre avec un enfant déprimé ? paru aux éditions Josette Lyon.
« Un être humain peut déprimer à tout âge. Même les nourrissons et les enfants dépriment ! Ce qui est délicat, c’est que les enfants déprimés sont trompeurs. La tristesse existe, certes, mais elle est souvent masquée par d’autres facteurs, comme l’agitation, la provocation ou des manifestations agressives. L’enfant lutte contre la dépression, il cherche à attirer l’attention et il est, du coup, qualifié d’hyperactif. Il peut aussi être dans l’inhibition gestuelle et verbale. Dans tous les cas, il va se retrouver en situation d’échec scolaire. C’est pour cela qu’une chute brutale des résultats scolaires doit être un signal d’alarme fort. D’autant que, si on ne fait rien, cette chute des résultats scolaires va s’aggraver avec le temps, à cause du retard accumulé. Et cela va entraîner une mésestime de soi et un sentiment d’impuissance.
Les tentatives de suicide sont très rares chez les enfants. Ceci dit, les enfants déprimés ont tendance à se mettre en danger : ils traversent systématiquement la route sans regarder, par exemple. Ou bien ils ont régulièrement des accidents ménagers. Les blessures répétitives peuvent donc aussi être un bon indicateur de déprime. Il y a enfin des manifestations du corps comme l’anorexie ou les troubles du sommeil.
En plus d’être attentifs à ces signaux, les parents peuvent réfléchir à d’éventuelles relations avec divers facteurs, qui peuvent être à l’origine des déprimes enfantines. Je pense aux prédispositions génétiques mais aussi aux facteurs de vie et environnementaux, comme les dépressions des parents, les situations de deuil, les séparations d’avec des personnes aimées (mort, déménagement, changement d’école), etc. Il peut aussi y avoir des attentes parentales trop importantes, qui pèsent sur l’enfant. Il n’arrive pas à répondre à cette attente et cela entraîne une dépréciation de soi, qui peut déboucher sur une déprime. Un dialogue attentif avec l’enfant permettra de faire d’éventuels liens entre cette constellation de facteurs et ses comportements. Si ces liens semblent évidents, il est important d’aller consulter un spécialiste, qui ne donnera pas de traitements médicamenteux. On évite en effet d’en donner avant la post-adolescence ou l’âge adulte. Il leur proposera en revanche une psychothérapie, qui permettra de mettre en relation l’état de l’enfant avec ce qui se passe dans son entourage, avec son rapport à ses parents. Bref, de comprendre, pour guérir. »