Les Monologues voilés ou les monologues du vagin
RÉÉCRITS PAR DES MUSULMANES
Texte et mise en scène Adelheid Roosen, avec Jamila Brissi, Morgiane El Bousi, Myriam Youssef...
Désir, honte, viol, sensualité, homosexualité...les Monologues voilés actuellement joués à Bruxelles illustrent avec humour et gravité l'universalité des joies, peurs, tabous et autres fantasmes suscités par la sexualité des femmes, musulmanes ou non.
Inspirés des "Monologues du Vagin" de l'américaine Eve Ensler, succès planétaire depuis leur création à New York en 1996, les Monologues voilés de l'auteur néerlandaise Adelheid Roosen en conservent le principe: traiter du rapport des femmes à leur vagin, et plus généralement à la sexualité.
Mais la pièce, créée en français mardi au Théâtre de Poche de Bruxelles, en change le contexte culturel. Les 12 récits proposés ne sont plus ceux de femmes occidentales, mais de femmes originaires de pays musulmans, issues de milieux très différents mais vivant toutes aux Pays-Bas.
Monologues voilés est le fruit de 74 interviews réalisées durant plus d'un an par Adelheid Roosen auprès de femmes âgées de 17 à 85 ans. La pièce a déjà été jouée aux Pays-Bas, à Berlin, à Ankara, à New York et à Boston, mais avant mardi jamais en français. Alors que le public s'installe, les quatre jeunes femmes déjà sur scène nous accueillent dans leur salon où trône un long divan noir.
Déhanchement de danse orientale, chansons en arabe rythmées au son des youyous et du tambourin, décolletés plongeants et talons aiguilles... le ton est donné: joyeux, entraînant, sensuel.
Puis les quatre actrices prennent la parole à tour de rôle, racontant à la première personne la vie de ces femmes venues d'Iran, d'Irak, du Maroc, de Turquie ou de Somalie qui se sont confiées à Adelheid Roosen.
C'est d'abord une jeune fille qui se souvient de ses premières visites au hammam, où des femmes nues, belles, qui se baignent, se massent, se cajolent, s'observent. Un bonheur de sensualité qui se termine brutalement quand sa mère pense découvrir qu'elle a, à 12 ans, déjà perdu sa virginité.
C'est ensuite la verve d'une jeune lesbienne délurée originaire de Casablanca, qui frissonne en évoquant sa découverte des bars homosexuels d'Amsterdam. Pour évoquer leur sexe, ces femmes disent «mon vagin», «ma vulve», mais aussi «ma honte», «ma bouche»... L'une d'elles regrette de «ne pas avoir de dents, là-bas», pour se défendre.
Une autre raconte comment un garçon l'a séduite pour, en fait, obtenir un permis de séjour, mais comment il lui a aussi fait découvrir l'orgasme.
Il y a le récit de la «torture» d'une Turque, mariée à un cousin violent, jamais vu avant la nuit de noce. Ou encore la confrontation entre une mère excisée et sa fille, qui ne l'est pas. Particulièrement poignant, ce monologue tend à démontrer que l'excision, que la jeune fille considère comme un rituel barbare, fait cependant partie de l'identité de sa mère. Et que la compassion de sa fille et de ses amies occidentalisées la blesse peut-être plus encore que la lame du couteau.
«Les choses sont toujours plus nuancées qu'on ne le croit de prime abord», a expliqué Adelheid Roosen à l'AFP. «Nous pensons que tout est différent dans le monde musulman, mais l'inceste, la violence, le mythe de la virginité... on connaît ça aussi dans notre civilisation », ajoute la jeune femme, qui dit avoir vécu une «initiation» en recueillant les témoignages. «Elles trouvaient incroyable que je ne sois jamais allée au hammam. Je ne connaissais rien de tout cela mais tout me semblait tellement naturel», se souvient l'artiste hollandaise.
Les Monologues voilés sont à l'affiche à Bruxelles jusqu'au 9 février.
LeSoird'Algerie, 12/01/08