Anouar BrahemAprès avoir acquis une solide maîtrise du jeu de oud et s'être imprégné de toutes les nuances musicales de la Méditerranée et du jazz, Anouar Brahem a revalorisé les formes anciennes de la musique tunisienne, puis s'est affranchi de tout académisme et de tous les clichés pour produire une musique lumineuse qui défie les lois du temps et de l'espace.
Anouar Brahem est né en 1957 à Halfaouine dans la medina de Tunis. Sa vie de musicien débute lors de sa dixième année lorsqu'il entre au Conservatoire National de Musique de Tunis pour y apprendre le oud. A 15 ans il se produit déjà dans les orchestres locaux et à dix-huit il décide de se consacrer entièrement à la musique. Durant quatre années, chaque jour, Anouar Brahem rejoint son maître Ali Sitri pour approfondir ses connaissances de la musique arabe classique et les subtilités de son instrument. Rapidement le musicien élargit son univers en le confrontant aux modes musicaux venus d'Inde ou d'Iran et découvre le jazz. Dès ses premières compositions il démontre que les possibilités du oud vont bien au delà du simple rôle d'instrument d'accompagnement. Ses concerts le font remarquer par la critique de son pays, mais les possibilités de travail que lui offre la scène musicale tunisienne ne sont pas satisfaisantes. La seule source de revenus pour un joueur de oud consiste à suivre des chanteurs de variétés interchangeables dans les mariages ou sur les plateaux de télévision.
En 1981, Brahem s'installe en France, où son talent s'épanouit au contact d'autres artistes. Il compose pour le chorégraphe Maurice Béjart et, en 1983, collabore avec Gabriel Yared pour la musique du film de Costa Gravas "Hanna K". Pendant quatre années il se produit avec succès dans différents festivals à travers l'Europe. En 1985, Anouar Brahem réunit à Carthage des musiciens turcs tsiganes, tunisiens et des jazzmen français, pour interpréter sa pièce instrumentale "Liqua 85" qui lui vaut le grand prix tunisien de la musique.
En 87, il accepte la direction de l'ensemble musical de la ville de Tunis. Il transforme cette lourde machinerie en créant des petits groupes qui alternent répertoires classiques et créations. Il remet au goût du jour la forme originelle de l'orchestre traditionnel le "takht" où chaque instrument devient tour à tour soliste en improvisant sur le thème de base. Il travaille sur d'anciens manuscrits et collabore avec le poète Ali Louati pour créer des chansons qui reprennent les formes anciennes. La suite chantée "Ennaoura el achiqua" lui apporte la consécration nationale.
Par la suite il travaillera avec de grands chanteurs tels Nabiha Karaouli, Sonia M'Barek, Saber Rebaï ou Teresa de Sio. Ironie du sort sa chanson "Ritek ma naaref ouin" inspirée du folklore et interprétée par Lotfi Bouchnak deviendra un immense succès dans les bals de mariage. En 1990, Anouar Brahem quitte l'ensemble musical de la ville de Tunis et s'embarque dans une tournée en Amérique du Nord. Peu après il devient responsable du "Centre des musiques arabes et méditerranéennes" mais il désire se concentrer sur sa carrière.
Sa rencontre avec Manfred Eicher, le fondateur du mythique label ECM, va lui donner la possibilité de donner libre cours à son imaginaire musical. Son premier album "Barzakh" (91) fruit de sa collaboration avec les virtuoses tunisiens Bechir Selmi et Lassad Hosni et le second "Conte de l'incroyable amour" (1992) avec le clarinettiste Barbaros Erköse et le joueur de nai turc Kudsi Erguner lui permettent de développer de riches idées sur la musique méditerranéenne contemporaine. En 1993, il décide son maître Ali Sitri à remonter sur scène en sa compagnie pour une série de trente concerts à guichets fermés, basés sur le répertoire traditionnel maghrébin et oriental, instrumental ou chanté par Sonia M'Barek.
En 94 c'est un profond respect mutuel qui réunit Brahem et le saxophoniste norvégien Jan Garbarek. Leur disque "Madar" enregistré avec l'aide du joueur de tablas pakistanais Shaukat Hussain est un bel exemple d'échanges fructueux entre deux musiciens à la quête similaire, celle d'une tradition universelle. L'album de 1995, "Khomas", est pour le Tunisien l'occasion de reprendre librement des thèmes qu'il a composés pour des films avec un sextet qui comprend notamment l'accordéoniste Richard Galliano. Le disque "Thimar", sorti en 97, est le témoin d'une nouvelle rencontre qui transcende les genres avec le bassiste Dave Holland et le saxophoniste-clarinettiste John Surman. Ils présenteront ce répertoire sur les scènes du monde entier.
Avec l'an 2000, Anouar Brahem atteint, selon ses dires, la fin du second cycle de sa carrière. L'album "Astrakan Café", enregistré en compagnie de ses fidèles amis Lassad Hosni et Barbaros Erköse, propose une collection d'une limpide cohérence de thèmes traditionnels, d'anciennes compositions et de nouvelles pièces. Une nouvelle fois il nous prouve que la musique tunisienne peut à la fois être riche, fière de ses racines et totalement moderne.
Benjamin MiNiMuM
Mondomix
Site de l'artiste...www.anouarbrahem.com/