« Je suis une casse-tabou »
BRADFER,FABIENNE
mercredi 10 octobre 2007, 07:06
« Délice Paloma », de l'Algérien Nadir Moknèche, sort ce mercredi. Icône populaire depuis ses 19 ans, l'Algérienne Biyouna, star comique et grande tragédienne, a le parler franc.
Retrouvez la critique du film dans le Mad de ce mercredi
Croisant un homme à la pilosité abondante, l'Algérienne Biyouna, invitée du Festival du film francophone de Namur avec Délice Paloma, se retourne et lâche : « Vous avez aussi des barbus, chez vous ?! » Elle est comme ça, Biyouna.
A 55 ans, magistrale en bienfaitrice mafieuse dans le film de Nadir Moknèche, cette ex-danseuse de cabaret reste une icône populaire. Elle s'est imposée à 19 ans, avec gouaille et un naturel inédit sur les écrans algériens, dans un feuilleton culte.
« Je suis très connue en Algérie comme comique. La tragédie est venue avec Nadir. C'est lui qui m'a permis de l'exprimer dans Le harem de Mme Osmane, puis dans Viva Laldjérie. » Dans Délice Paloma, Biyouna déploie toute la palette de la tragédienne et en est ravie : « J'adore les choses difficiles, les découvertes. Mme Aldjéria est un personnage. Ce n'est pas moi. Mais j'ai connu des femmes comme elle. Quand je vois la magouille et la corruption, je me retire de ça, car ce milieu me fait peur. »
Sur l'internet, certains ont jeté leur haine de voir une Algérienne en mafieuse. Biyouna ne se démonte pas : « Qu'ils le veuillent ou non, ça existe. Ils m'ont énervée, mais je leur dis : “Ceux qui se sentent morveux, qu'ils se mouchent !” La corruption est partout. Je l'ai vue de mes propres yeux, même pendant le terrorisme. On ne peut pas cacher le soleil avec un tamis. Je suis une casse-tabou. Comme Nadir Moknèche. Ce n'est pas toujours facile, car les crocodiles sont partout ! »
Réalisant ses rêves de 20 ans dans la cinquantaine grâce au cinéma, Biyouna s'ouvre à la France depuis 2001. Elle a enregistré deux albums, a fait un spectacle avec Fellag, a joué Electre en compagnie de Jane Birkin. « Je travaille moins en Algérie, j'ai envie de sortir de la zone locale. Ma mère me voyait à Hollywood, m'a poussée à m'épanouir hors de nos frontières. Là, je suis en train d'échanger mes cultures. J'avais en moi des tiroirs dont personne, en Algérie, n'avait la clé. En France, ils s'ouvrent, j'y prends goût. »
La star algérienne a des projets en France jusqu'en 2009. Elle vient de tourner avec Yamina Benguigui pour France 2, est en concert en province, prépare un nouvel album, doit retrouver Jérôme Savary.
« Pour ne pas mourir idiote »
« Je suis issue d'une famille d'artistes. Quand j'ai ouvert les yeux, ma sœur était déjà une grande diva. Le meilleur banjo d'Afrique, c'est mon demi-frère Ma mère et mes tantes chantaient merveilleusement bien. Moi, j'ai provoqué le scandale en choisissant la danse. Je suis sortie des roseaux ! J'ai toujours été le vilain canard. Je m'en fiche. J'ai toujours été libre. Je n'ai jamais eu ma langue dans ma poche. Mais je connais mes limites. Je suis une bonne mère, une bonne épouse, j'ai toujours respecté ma mère, mais j'ai toujours fait ce que je voulais. Et plus encore quand j'ai éclaté en 1972, quand je suis devenu star. »
Sorte de Carmen Maura d'Afrique du Nord, Biyouna assume ses choix : « Tant que c'est la vérité, je le fais. Pour ne pas mourir idiote. Je sais que certains scénarios se retournent contre moi. Qu'importe. Ça s'arrange toujours. Tant que vous dites la vérité, vous ne risquez rien et vous gardez votre dignité. Et puis, il y a un bon dieu pour les artistes. »
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