Les Aventures du prince Ahmed (1926)De Lotte Reiniger
Le jeune prince Ahmed tombe amoureux de la ravissante Princesse Pari Banu. Pour l'épouser, il devra affronter son rival, le Mage Africain et s'allier avec la Sorcière dans le pays lointain des Esprits de Wak-Wak. La Mage Africain qui a capturé également la soeur d'Ahmed, la Princesse Dinarsade, pour la vendre à l'Empereur de Chine sera renversé grâce à l'aide d'Aladin et de sa lampe merveilleuse.
Premier long métrage d'animationCe film entièrement animé de silhouettes de papier découpées est le premier long métrage d'animation de l'histoire du cinéma.
Tiré des Contes des mille et une nuitsLe film est tiré des Contes des mille et une nuits et s'inpire en particulier des Contes du Cheval Volant et d'Aladin. Basé sur la technique traditionnelle du théâtre d'ombres, ce trésor d'inventivité et de finesse de formes reprend des lieux communs de l'Orient : le palais qui est construit en une nuit, le tailleur pauvre attiré par la Princesse, l'épisode d'Aladin et de la lampe merveilleuse. D'autres lieux sont imaginaires : le pays lointain des Esprits de Wak-Wak, la Sorcière et son Royaume de la Montagne en flamme... Lotte Reiniger n'hésite pas à intégrer des éléments personnels comme le Mage Africain à six têtes, ou bien une excursion en Chine.
Prouesse techniqueOeuvre d'une grande précision technique, le film comporte plus de 300 000 images ; à 24 images secondes, on comprend facilement que trois années furent nécessaires à Lotte Reiniger pour réaliser cette oeuvre et rendre tant de finesse et de souplesse dans le mouvement. Carl Koch, son mari, est à la prise de vue, Bertold Bartosch, un architecte français spécialisé dans l'animation, travaille les effets spéciaux et Walther Ruthmann crée les arrière-plans manipulés séparément des personnages. Le film, en noir et blanc, a été teint en trempant le positif dans un bain de couleur. Cette technique de coloration, comme tous les moyens cinématographiques de cette époque, est assez élémentaire, mais donne un rendu très fort visuellement grâce aux contrastes.
Source d'inspirationCe film a été lui-même une source d'inspiration pour de nombreux cinéastes comme Walt Disney, qui réalise son premier long métrage d'animation en 1937 avec Blanche-Neige et les sept nains, et plus récemment Michel Ocelot, auteur de Princes et princesses en 1998.
Le film de silhouettesA l'origine du film de silhouettes, il y a deux formes d'art populaire. D'une part, le théâtre d'ombres, diffusé dans les foires, puis devenu art établi avec le théâtre de Séraphin et le cabaret du Chat Noir. Ce genre a habitué le public à une forme de spectacle exclusivement composée d'ombres et de lumière : les ombres chinoises. D'autre part, les silhouettes découpées, artisanat très populaire, ont fini par imposer leurs images de pur contraste dans toutes les couches de la société grâce à Etienne de Silhouette, qui légua son nom à cette forme jusque-là jugée mineure.
La réalisatrice Lotte ReinigerLotte Reiniger, cinéaste pionnière du film d'animation, a perfectionné une caméra multi-plans dès les années 20. Mariée à Carl Koch, un historien de l'art, qui fut aussi son assistant, elle a tourné près de 40 films. Elle commence comme comédienne au théâtre avec une formation au Deutsches Theater, à l'école de Max Reinhardt. Elle travaille avec Paul Wegener, réalisateur expressionniste du Golem (1915), pour des mises en scène de théâtre d'ombres. Elle fuit Berlin en 1935, en passant par Paris où elle rencontre Jean Renoir qui lui demande de tourner une scène d'ombres chinoises pour La Marseillaise (1938). Elle s'arrête à Londres, où elle crée sa propre structure de production, Primrose Productions, et rencontre Norman McLaren, les compositeurs Igor Stravinsky et Benjamin Britten. Elle revient à Berlin en 1943, puis repart s'installer à Londres en 1949. Pour Les Aventures du Prince Ahmed, c'est l'illustrateur de livres pour enfants Edmund Dulac qui crée les intertitres et les couleurs à l'encre. Elle a aussi adapté des contes des frères Grimm, des histoires de Charles Pérault, et plusieurs contes des mille et une nuits. " La Maîtresse des ombres ", comme l'appelait Renoir, connut un succès retentissant avec Les Aventures du Prince Ahmed et imposa un univers graphique tout à fait personnel, magique et moderne.