Les causes de l'asthme à la croisée des gènes et de l'environnement
LE MONDE | 20.06.08
Les études consacrées à la génétique de l'asthme et des allergies se multiplient. Certaines particularités génétiques contribuent à près d'un tiers des asthmes de l'enfant, mais le rôle des interactions entre les gènes et des facteurs environnementaux est de plus en plus mis en évidence. Un symposium international était consacré à ces thèmes, mercredi 18 juin, à l'Institut Pasteur de Paris, dans le cadre du 3e congrès national d'asthme et d'allergie.
VASTE CHAMP D'ÉTUDE
Le consortium européen Gabriel, mis sur pied en 2006, en est un bon exemple. Coordonné par l'université Ludwig-Maximilians de Munich et l'Imperial College de Londres, financé à hauteur de 11 millions d'euros par l'Union européenne, il a pour mission de déterminer les facteurs génétiques et environnementaux de l'asthme bronchique. Dans ce cadre, une étude basée sur la comparaison de 300 000 marqueurs génétiques chez 1 000 enfants asthmatiques et chez des enfants indemnes de cette pathologie a fait découvrir et localiser le gène ORMDL3. Certaines variations génétiques influent fortement sur l'expression de ce gène et augmentent le risque de développer un asthme. "Elles contribuent à 30 % des cas d'asthme infantile", souligne le professeur William Cookson (Imperial College).
Le projet Gabriel mène actuellement une étude génomique chez 11 000 asthmatiques, dont les données seront croisées avec des mesures environnementales concernant 40 000 individus à travers l'Europe. "Nous espérons que ces résultats conduiront à une bien meilleure connaissance des causes de l'asthme en Europe", commente William Cookson.
De nombreux gènes sont considérés comme impliqués dans l'asthme ou au moins associés à une susceptibilité à des facteurs déclenchants. Mais la génétique n'explique pas tout. Selon le docteur Erika von Mutius (hôpital pédiatrique universitaire, Munich), des variations dans l'alimentation ou l'exposition à des polluants vont entraîner des modifications dans l'expression des gènes, sans modification de la séquence d'ADN codante.
Le médecin allemand a plaidé pour une approche combinant génétique et environnement, car "les deux composantes sont nécessaires, mais pas suffisantes prises isolément". Elle a cité l'exemple des individus ayant une mutation d'un gène appelé GST 1, qui lui fait perdre sa fonction. Lorsqu'ils sont exposés passivement à la fumée de tabac, ces individus ont un risque nettement plus élevé de développer un asthme et des altérations de la fonction pulmonaire que les porteurs de la version normale du gène ou que les individus porteurs de la mutation, mais non exposés.
A l'inverse, des études ont montré que le fait d'avoir passé son enfance dans une zone rurale a des effets protecteurs vis-à-vis de l'asthme qui perdurent à l'âge adulte. Un vaste champ d'étude s'ouvre donc, pour comprendre comment les facteurs environnementaux modulent l'expression des gènes.
Paul Benkimoun
http://www.lemonde.fr/sciences-et-environnement/article/2008/06/20/les-causes-de-l-asthme-a-la-croisee-des-genes-et-de-l-environnement_1060821_3244.html#[url]