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 «J’aime l’idée d’être une enfant de l’Algérie»

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ODO




Masculin Nombre de messages : 35
Date d'inscription : 15/11/2013

«J’aime l’idée d’être une enfant de l’Algérie» Empty
MessageSujet: «J’aime l’idée d’être une enfant de l’Algérie»   «J’aime l’idée d’être une enfant de l’Algérie» Icon_minitimeSam 14 Déc - 20:21

Wahiba, née sous X. Présidente de l’association "L’innocence des enfants abandonnés"

«J’aime l’idée d’être une enfant de l’Algérie»

«J’aime l’idée d’être une enfant de l’Algérie» Tahmer_1923323_465x348


Wahiba, 46 ans, née sous X, ose une courageuse mise à nu. Elle raconte sa vie, le mensonge dans lequel elle a grandi, la vérité qu’elle a mis du temps à accepter, ses galères, sa quête de vérité pour dire «halte à la stigmatisation» de ces enfants injustement appelés «bâtards ou enfants du péché».
 


Je n’ai aucun complexe à dire que je suis une fille de la DAS (direction de l’action sociale, ndlr), je refuse de vivre plus longtemps dans la honte. Vous pouvez me prendre en photo et le dire à tous les Algériens.» D’un ton saccadé, une voix discordante s’élève pour briser les non-dits. Le regard noir perçant, Wahiba, 46 ans, première Algérienne née sous X à créer une association pour les enfants abandonnés, poursuit : «Je n’ai commis aucun crime et je n’ai pas à payer la forfaiture commise par d’autres.»  Wahiba parle fort et déborde d’assurance : «Je pleurais beaucoup avant. Maintenant, j’ai l’impression de naître… enfin !» Elle sourit souvent, comme pour savourer la revanche qu’elle prend sur des années de silence et de secrets surtout. Sur son visage, cerné d’un foulard qu’elle réajuste souvent avec nervosité, se lit le dépit. «Je ne veux pas savoir qui sont mes parents, je veux qu’on cesse de me juger et de m’agresser pour des fautes que je n’ai pas commises»

D’un ton presque colérique, Wahiba tranche encore : «A l’école, ils ont brisé ma vie !»  
Pour dévoiler l’injustice que subissent ces milliers d’enfants algériens nés hors mariage, Wahiba ose une courageuse mise à nu. Elle raconte sa vie, le mensonge dans lequel elle a grandi, la vérité qu’elle a mis du temps à accepter, ses galères, sa quête de vérité. Elle en parle parfois avec retenue, d’autres fois avec mélancolie, sans jamais chercher ses mots. Wahiba en a gros sur le cœur et lâche tout en vrac : «Nous vivons tous avec un point d’interrogation.» «J’ai eu la chance d’avoir une famille d’accueil, mais j’ai très vite été rattrapée par ma condition.» Celle d’enfant abandonné.


Extrait de naissance trafiqué pour aller à l’école


Née le 10 juillet 1967 à Blida, Wahiba est recueillie par une nourrice de la DAS qui prend le pari de l’élever comme sa propre fille. «Toute mon enfance, ma mère adoptive a été bienveillante et attentionnée. J’aurais jamais pensé que moi ou ses autres enfants n’étions que des enfants abandonnés qu’elle a recueillis.» Petite fille joyeuse et malicieuse, Wahiba grandit dans sa famille d’accueil à Kouba, presque comme une enfant «normale». «A l’époque, je m’appelais Nadéra. C’est comme ça que ma mère adoptive m’avait prénommée. J’étais une enfant heureuse, curieuse, j’adorais l’école.» Pour remédier à une faille juridique qui ne donne aucun statut aux enfants abandonnés, la mère adoptive de Wahiba n’hésite pas à acheter des extraits de naissance vierges qu’elle falsifie pour l’inscrire à l’état civil et lui permettre ainsi d’être scolarisée. Les années passent, Wahiba va à l’école sans se douter du pire. Un jour, tout bascule : «Deux jours avant l’examen du BEM, mes enseignants et le directeur de l’école m’ont convoquée pour m’annoncer que je ne pouvais pas passer l’examen parce que je suis une enfant née sous X.» Wahiba, qui a alors 14 ans, pleure, se débat et hurle en rentrant chez elle.

Sa mère adoptive la rassure : «Ce n’est pas vrai, je suis ta vraie mère», lui répète-t-elle. Wahiba la croit mais ne retournera plus à l’école. «Ma mère adoptive n’a jamais voulu m’avouer qu’elle n’était pas ma vraie mère. Elle jurait que j’étais ‘‘l’enfant de son ventre’’. Elle m’a longtemps fait vivre dans le doute et le mensonge qu’elle a emporté jusque dans sa tombe. Ce n’est qu’après sa mort que j’ai eu les preuves formelles de ma situation.» A la levée du corps de sa mère adoptive, soit un jour après son décès, Wahiba, qui venait d’avoir 18 ans, pleure celle qui a été sa mère lorsqu’une de ses tantes ose rompre le silence. «Nous pleurions ensemble au chevet de son corps. Dans une de ses complaintes, ma tante finit par dire en sanglotant :’’Ma sœur, tu t’en vas sans avoir jamais enfanté’’.» Pour Wahiba, c’est le double choc.


à 27 ans, sans papiers, dans la rue !



La jeune fille se lève, entre dans la chambre de ses parents et ouvre le livret de famille dans lequel elle n’est pas. Pour elle, le doute cède définitivement la place à la tourmente. Une multitude de questions qui restent en suspens. Un profond sentiment de solitude. La peur et l’incompréhension l’habitent chaque jour un peu plus. Elle atténue sa souffrance en s’occupant de ses frères et sœurs d’adoption. «J’étais l’aînée des filles, alors j’ai repris toutes les tâches domestiques de ma défunte mère adoptive jusqu’au jour où mon grand frère, lui aussi adopté, s’est marié avec une femme froide et haineuse qui nous a tous jetés à la rue dès qu’elle s’est installée à la maison. J’avais 27 ans, sans papiers, et c’est à ce moment que j’ai réalisé que je n’avais aucun droit et qu’aux yeux de la loi, je n’existais tout simplement pas, c’était le pire ! »

Ce sont des voisins qui recueillent la jeune femme. Elle est ballottée de foyer en foyer au gré de la charité des uns et des autres, avant de se trouver une nouvelle famille d’accueil chez qui elle vit à ce jour. C’est à ce moment précis que la jeune femme cesse d’être Nadéra et devient Wahiba. Un renouveau identitaire. «Leur seule condition, pour m’accueillir définitivement chez eux, était que je me batte pour faire mes papiers. J’ai galéré pendant plus d’un an pour obtenir mon extrait de naissance et mon vrai nom : Wahiba.» Pour elle commence une vraie lutte pour vivre dans la vérité et assumer ses origines. Elle hésite longtemps entre rancune et rage avant de se résigner à accepter sa condition. «Je veux rendre hommage à ma défunte mère adoptive et à mon actuelle famille d’accueil qui ont fait preuve de tant de générosité, et à plusieurs personnes que j’ai rencontrées durant mon périple à la recherche de qui je suis, l’ancienne présidente de l’APC de Kouba, Saïda Bounab, qui était également psychologue, Riadh Boufedji, Allah Yerahmou, et tant d’autres personnes qui ne jugent pas», confie-t-elle, émue. Un véritable de travail de réparation commence pour la jeune femme, à l’époque âgée de 30 ans à peine, et qui se poursuit encore, plus de 15 ans plus tard.


Le droit d’exister


Porter un profond sentiment de solitude, aller à la rencontre d’autres enfants abandonnés, partager son expérience, en parler et revendiquer sa situation : une lutte quotidienne que Wahiba mène des années durant. «Je vais mieux depuis que j’ai décidé que ma mère biologique n’est pas celle qui m’a mise au monde. J’aime l’idée d’être une enfant de l’Algérie», lâche-t-elle dans un sourire. «J’aime les moudjahidine, ils me font rêver. J’aime à penser que je suis l’enfant de tous leurs sacrifices. J’en ai rencontré beaucoup. Ils m’ont tous témoigné tellement de tendresse», ajoute encore Wahiba. Pour elle, le tabou conforte la stigmatisation. «Il faut parler des enfants abandonnés pour faire bouger les mentalités.»

A travers l’association qu’elle vient de créer, elle veut justement changer le regard porté sur ces enfants dits «naturels» par la loi et «du péché» par la société.
Avec 23 autres personnes, Wahiba travaille pour obtenir un siège à son association et constituer un réseau d’appui juridique et psychologique pour leur venir en aide. «Ils n’ont pas à payer les erreurs des autres, ces enfants ont besoin d’une assistance psychologique», insiste celle qui a tant souffert du regard des autres. Une forme de pression constante qu’elle ressent dans chacun de ses faits et gestes. «Je ne me maquille jamais et le foulard ne quitte jamais ma tête. Je suis digne et intègre. Toute ma vie, je suis restée droite pour prouver à tous ceux qui voient en moi le péché et le déshonneur que je ne le mérite pas», lâche-t-elle. «Il faut que cesse la stigmatisation des enfants abandonnés, ceux qu’on appelle cruellement des bâtards, des fils et des filles du péché», tranche sévèrement celle qui a créé, le 7 décembre 2013, une association pour «clamer l’innocence de tous les enfants abandonnés».
Pour qu’ils puissent être scolarisés, inscrits à l’état civil, reconnus juridiquement et dans l’imaginaire collectif algérien, Wahiba a décidé de se dévoiler.

En Algérie, 3000 à 5000 enfants naissent chaque année hors mariage, selon les bilans de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem). D’autres associations estiment leur nombre à 42 000 chaque année.
Des chiffres en hausse. Sans statut, sans droits, ces petits grandissent dans l’isolement ou dans le mensonge. A l’âge adulte, ils subissent la marginalisation et un conservatisme qui leur refuse le droit d’exister. Wahiba veut que sa vie «brisée», dit-elle, soit à présent mise au profit de tous ces enfants dérobés aux regards. Tout ce que Wahiba demande, c’est que la loi rétablisse les enfants abandonnés et leur donne le droit d’aller à l’école, d’être inscrits à l’état civil, d’être adoptés ou reconnus par l’exigence d’un test de paternité. En somme, le droit d’exister dans leur pays.

Bouredji Fella
El Watan (Alger) du 14-12-2013
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